Pour ceux qui essayent de suivre cette conversation pas privée:
A gauche: La lutte de Jacob avec l'ange d'Eugène Delacroix qui est l'oeuvre que j'ai voulu présenter parce que voilà... c'est un bout de mon histoire, ce tableau.
A droite, la proposition du jury: Giovanni Anselmo, une salade dans un bloc de granit.
Allez faire un google sur Arte Povera.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Arte_Povera
Et j'ai eu 8.
Je pense que c'est lié au fait qu'Anselmo m'a vraiment fait "tomber du cheval" avec sa salade...
J'avais une grosse apréhension par rapport à ce genre d'oeuvres "abstraites", et quand j'ai vu la rétro-projection de ce "truc", je me suis demandé si j'allais éclater de rire ou me jeter par la fenêtre. Je suis plutôt du style à éclater de rire, mais là, avec le stress, je suis surtout resté un peu sans voix pendant un peu trop longtemps... Complètement désarçonné!
Et pourtant, la proposition du jury était d'une part assez évidente (il fait partie de la liste des oeuvres de référence) et assez géniale! Dommage que je m'en sois rendu compte après l'entretien, et je regrette beaucoup de pas avoir été à la hauteur parce que franchement, c'était super bien trouvé de la part du jury.
- Il y a la notion d'éphémère (la salade / Jacob) qui lutte contre l'éternel (le granit / l'Ange). J'avais parlé du temps qui est symbolisé par les grands chênes (centenaires...) dans la fresque de Delacroix, on retrouve cette idée du temps dans l'oeuvre d'Anselmo. Le petit tas de copeaux de cuivre évoque la corruption, etc, etc...
Ce que tu me dis avec le fil de cuivre, c'est aussi très intéressant... c'est un peu la notion de génération qui passent dans l'oeuvre de Delacroix (symbolisé par la caravane à droite).
- Il y a la notion de verticalité (chez Delacroix, l'idée de départ c'était d'abord de peindre une montée en croix face à une descente au tombeau, ensuite il s'est ravisé pour peindre cette lutte avec l'ange paradoxale puisqu'elle n'occupe qu'un tout petit espace en bas à gauche. En fait, il n'a pas renoncé à son idée verticale du début, mais c'est juste que l'axe vertical est occupé par les grands chênes, le chemin qui monte à gauche derrière la lutte, et le chemin qui descend à droite avec la caravane qui s'enfonce dans la poussière... là aussi on peut faire le lien entre la poussière et les copeaux, l'aspect vertical de la stelle de granit, et patati et patata...
- Il y avait plein de trucs à dire sur les couleurs (le vert dans les deux oeuvres, le rouge de la peau de bête et du cuivre...), les textures. J'ai merdouillé en disant que c'était une sculpture et pas une installation, que c'était de l'art moderne en voulant dire contemporain, mais bon... contemporain, c'était pas bien mieux. Bref, la spirale... Je fais partie de ces candidats qui se sont éteints pendant la deuxième parti de l'entretien faute de culture.
Dans mon projet pédagogique (une fresque pour décorer une cage d'escalier: toujours sur le thème que j'avais essayé de dégager "une oeuvre dans son temps et dans son lieu", avec la problématique du vertical, problématique de la lumière pas évidente dans cet endroit et donc travail sur la couleur, etc...), je pense que les idées étaient bonnes mais j'ai sans doute donné l'impression de faire faire un projet de prof à mes élèves. J'ai pas assez fait ressortir les moments où ils s'essayent et où ils s'approprient le thème de la lutte.
J'ai merdouillé quand on a parlé du titre des oeuvres (celle d'Anselmo est sans titre...). C'est vrai que le Delacroix est difficile d'accès sans un certain arrière plan philosophique au moins, une petite connaissance du récit biblique. Alors qu'Anselmo dit la même chose mais que tout le monde peut comprendre sans qu'il aie besoin de mettre un titre. Pour autant, est-ce que le titre est indispensable chez Delacroix? Bon, ça je l'ai pas dit assez bien sur le moment...
Bref, c'est un 8 que j'arrive bien à comprendre, mais c'était un peu dur à digérer. Plus que prévu... surtout parce qu'avec le recul je n'aurai pas pu rêver mieux comme oeuvre proposée par le jury!
Ma conclusion:
Il faut aimer ce qu'on fait, il faut aimer ce qu'on reçoit! Je n'arrête pas de me dire que si dès le départ, j'avais aimé l'oeuvre d'Anselmo (autant que celle de Delacroix), j'aurai tout trouvé à dire... Mais comme je me suis dit "c'est quoi cette c*nnerie?", je suis passé à côté.
J'aurai du l'aimer cette salade. Elle le méritait...